Le Canada fait depuis longtemps partie des « points chauds » du monde, en matière de poursuites contre les personnes accusées de non-divulgation ou transmission du VIH, ou d’exposition à celui-ci. En date de la fin de 2020, on y comptait au moins 224 poursuites confirmées. Dans la plupart des cas, il n’était pas allégué que le VIH avait été transmis ou que la personne accusée avait l’intention de le transmettre. Enchevêtrée dans des jugements sur les comportements sexuels « immoraux », la criminalisation de la non-divulgation du VIH est un exemple de plus dans la longue histoire du Canada quant aux mesures de punition et d’application peu utiles et inefficaces en réponse à des maladies transmissibles et ciblant les communautés pauvres et racisées. L’utilisation répandue du droit criminel en lien avec le VIH a été maintes fois reconnue comme un enjeu préoccupant, et ce pour de nombreuses raisons, non seulement par des organismes de la société civile, mais aussi de plus en plus par des décideur(-euse)s politiques au Canada. Il existe un élan croissant vers le changement, notamment par le biais de réformes nécessaires du Code criminel fédéral.
Le présent document d’analyse a été élaboré en raison de la crainte que, dans le processus de limitation législative de la criminalisation du VIH, les législateur(-trice)s ne finissent par étendre le droit criminel à d’autres maladies transmissibles. Ces discussions se déroulent dans un contexte de préoccupation aujourd’hui accrue à l’égard des maladies infectieuses, notamment en raison de la pandémie actuelle de COVID. Ce contexte pourrait amener certain-es responsables politiques à suggérer d’élargir le droit criminel à certains égards, mais pour toute une série de raisons. Une telle approche serait peu judicieuse.
Ce document est destiné à être utilisé à la fois par les législateur(-trice)s et par les défenseur(-euse)s, pour assurer des réformes législatives prudentes et ciblées afin de lutter contre la criminalisation du VIH. À cette fin, il :
- résume l’utilisation actuelle du droit criminel au Canada en lien avec le VIH, les préjudices que cela cause aux droits humains et à la santé publique ainsi que les efforts déployés pour limiter cette criminalisation, notamment par des modifications au Code criminel;
- examine les principaux aspects punitifs des réponses juridiques à la COVID-19 et certaines préoccupations qui s’y
rattachent, puis tire quelques leçons de cette expérience récente; et - expose pourquoi et comment les législateur(-trice)s au Canada devraient limiter par voie législative la criminalisation actuelle du VIH (et de certaines autres ITS), qui est non scientifique et discriminatoire, sans étendre la loi pour criminaliser d’autres maladies infectieuses.