Élections 2015 : Le Projet de loi C-36 et les droits des travailleuse(-eur)s du sexe — Réponses des principaux partis fédéraux du Canada

Cet article de blogue est le troisième d’une série publiée par le Réseau juridique canadien VIH/sida avant l’élection du 19 octobre 2015.

Nous avons récemment envoyé aux cinq principaux partis fédéraux un questionnaire pour connaître leur position sur des questions clés liées au VIH et aux droits humains. Quatre partis sur cinq nous ont répondu. Nous partageons ici leurs réponses et nos commentaires. Voir www.aidslaw.ca/elections2015 pour en savoir plus.


7 octobre 2015

Il est à présent reconnu, non seulement par les travailleuse(-eur)s du sexe mais également par un vaste éventail de chercheurs en santé, d’organismes de défense des droits de la personne et d’agences comme l’ONUSIDA, que des lois et politiques punitives concernant le travail du sexe, y compris la criminalisation de certains ou de tous les aspects de celui-ci, nuisent à la santé et à la sécurité des travailleuse(-eur)s du sexe, notamment en contribuant à des risques de violence et de VIH.

Dans sa décision bienvenue de décembre 2013 (l’affaire Bedford), la Cour suprême du Canada a invalidé à l’unanimité diverses dispositions du Code criminel du Canada relatives à la « prostitution », qu’elle a jugées inconstitutionnelles parce qu’elles menacent de manière injustifiée la vie et la sécurité des travailleuse(-eur)s du sexe.

Le gouvernement fédéral a réagi en adoptant le Projet de loi C-36. Trompeusement intitulé Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation, ce projet de loi a réintroduit plusieurs des éléments de législation très néfastes que la Cour suprême venait de déclarer inconstitutionnels. Il est largement dénoncé par des regroupements de travailleuse(-eur)s du sexe, leurs alliés et un vaste éventail d’experts de la santé et du droit. (Voir notre feuillet de questions et réponses sur la nouvelle loi.)

Nous avons demandé aux principaux partis politiques s’ils allaient appuyer l’abrogation du Projet de loi C-36 et rencontrer des travailleuse(-eur)s du sexe pour discuter de la protection de leurs droits, de leur sécurité et de leur dignité.

Tous les partis conviennent que le Projet de loi C-36 est une législation défaillante qui n’est pas conforme à la décision de la Cour suprême. Le NPD et le Bloc Québécois sont tous deux d’avis que le projet de loi aurait dû être confié à la Cour suprême pour examen.

  • Le Parti libéral affirme qu’il « s’engage à remplacer ces mesures législatives bancales et anticonstitutionnelles », en rappelant que son caucus s’est opposé au projet de loi au Parlement. Le Parti libéral note également qu’il « édictera des lois de réforme de la prostitution [sic] formulées en consultation avec des experts et la société civile – et notamment les travailleurs et les travailleuses du sexe – qui comprendront un examen rigoureux des preuves et des faits à l’appui ». 
  • Le Parti vert déclare qu’il « abrogerait immédiatement le projet de loi C-36 et travaillerait de manière constructive avec les travailleurs et travailleuses du sexe afin d’élaborer une législation qui fasse en sorte de préserver leurs droits, leur sécurité et leur dignité. Le projet de loi C-36 vise les travailleurs et travailleuses du sexe, dont un nombre disproportionné sont transgenres et indigènes, les forçant à s’isoler encore davantage et les rendant plus vulnérables. Nous avons besoin de lois qui garantissent la sécurité des travailleurs et travailleuses du sexe, au lieu de la compromettre. Les verts mettront en œuvre une réforme juridique au Canada fondée sur le modèle de la Nouvelle-Zélande [c.-à-d. la décriminalisation]. Nous devons affecter davantage de fonds aux services sociaux axés sur la réduction des méfaits et l’aide à ceux et celles qui désirent quitter l’industrie du sexe ». 
  • Le Nouveau Parti démocratique signale que, lors des audiences en comité parlementaire sur le Projet de loi C-36, « [l]es témoins entendus […] ont presque tous dit qu’ils désapprouvaient la décision du gouvernement de traiter les travailleuses du sexe comme des criminelles, malgré l’arrêt Bedford [de la Cour suprême du Canada] ». Le NPD affirme qu’il « collaborera avec les travailleuses du sexe et d’autres groupes afin d’établir une stratégie globale pour mieux protéger et appuyer les femmes ». 
  • Le Bloc Québécois se dit préoccupé par la santé et la sécurité des travailleuse(-eur)s du sexe et affirme : « Nous estimions que les dispositions du Code criminel mettaient à risque la santé et la sécurité des femmes qui se prostituent ». Contrairement aux autres partis, il exprime une préférence pour la réduction de la demande de services sexuels par la criminalisation des clients (une approche critiquée par les militants pour les droits des travailleuse(-eur)s du sexe) : « Le Bloc Québécois reconnaît que l’approche dite “nordique” qui a pour but de réduire la demande de services sexuels en criminalisant les clients plutôt que les prostituées elles-mêmes a des mérites. En effet, le Bloc Québécois, pas plus que les autres partis, ne valorise la prostitution ni ne l’encourage. » Le Bloc reconnaît que cette approche « ne règle pas tout » et risquerait « d’avoir des effets pervers sur la santé et la sécurité des femmes », mais n’aborde pas les préjudices signalés par des travailleuse(-eur)s du sexe et leurs alliés comme étant associés à ce modèle législatif. 

Les enjeux liés aux droits des travailleuse(-eur)s du sexe et à l’abrogation du Projet de loi C-36 ont également été soulevés le 24 septembre à Toronto, lors du débat « Proud to Vote » coparrainé par le Réseau juridique et portant sur les préoccupations de la communauté LGBTQ — et où bon nombre de candidats participants ont exprimé fermement l’appui de leur parti à l’abrogation du Projet de loi C-36.

Le Parti conservateur du Canada n’a pas répondu à notre questionnaire.


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