Puissance Collective

Rapport Annuel 2021-2022

Le progrès vers les droits humains pour toutes et tous est possible grâce à la collaboration, au plaidoyer collectif et au renforcement des communautés.

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Message de la présidente du conseil d’administration et des codirectrices générales

Cher(-ère)s ami-es,

La dernière année a été marquée par de grands changements au Réseau juridique VIH. Fort-es d’un nouveau modèle de codirection générale et d’une nouvelle présidente du conseil d’administration, nous avons amorcé notre travail avec ouverture d’esprit, prêt-es à élargir nos horizons tout en respectant notre solide historique d’engagement et de réussite.

L’année 2021-2022 a apporté son lot de défis – y compris la pandémie de COVID-19 qui se poursuit, qui nous a incité-es à renforcer et à diversifier notre rayonnement virtuel et qui continue à exacerber la crise des empoisonnements dus à des drogues, au Canada et dans le monde. Par ailleurs, l’invasion russe en Ukraine a des répercussions considérables sur nos partenaires de cette région. Mais le Réseau juridique persiste. Nous sommes engagé-es à la défense des droits humains pour tou-te-s, y compris les personnes vivant avec le VIH et l’hépatite C et affectées par ceux-ci. Comme vous le constaterez dans ce rapport annuel, nous avons mis à profit nos compétences et notre expertise en matière de recherche et d’analyse, de contentieux et d’autres formes de plaidoyer, d’éducation du public et de mobilisation communautaire pour faire avancer et protéger ces droits.

Le 5 juin 2021 marquait le 40e anniversaire des premiers diagnostics nord-américains de ce qui allait devenir le sida. Malgré les souvenirs sombres des pertes que nous avons vécues au cours de ces 40 années, cette journée de mobilisation a ravivé notre espoir quant aux possibilités futures. Nous avons fait des progrès remarquables depuis ces premiers jours et avons accompli de grandes choses ensemble. C’est là que réside le pouvoir : dans cet esprit de collaboration, celui-là même qui alimente le Réseau juridique VIH depuis sa création en 1992, il y a près de trente ans.

Nous avons réellement une puissance collective. Nous sommes reconnaissant-es que cette compréhension nous ait permis de traverser cette année de changements, et nous comptons sur cette force pour l’avenir. Nos pensées sont avec nos collègues de l’Ukraine, où la guerre continue de faire des victimes et de violer des droits humains. Bien que plusieurs de nos projets dans la région soient suspendus pour le moment, nous restons en contact avec nos partenaires et les soutenons du mieux que nous le pouvons pendant cette période difficile.

Que ce soit au Canada, en Europe de l’Est, en Asie centrale, dans les Caraïbes ou en Afrique francophone, le Réseau juridique VIH a un long historique d’activisme par le biais de partenariats où l’on accorde une place centrale aux voix des personnes ayant une expérience vécue. Nous nous engageons à perpétuer cette tradition dans les années à venir. Nous remercions nos membres, nos collègues, nos donateur(-trice)s et nos ami-es de leur soutien continu et de nous rendre possible cette puissance collective.

Dans la solidarité,

Janet Butler-McPhee et Sandra Ka Hon Chu
codirectrices générales

Leegay Jagoe
présidente du conseil d’administration


Le Réseau juridique reconnaît que les terres sur lesquelles nous vivons et travaillons font partie de l’Île aux tortues, territoire traditionnel des Haudenosaunees, des Wendats et des Anishinabés, y compris la Première Nation des Mississaugas de Credit. Nous sommes tous des gens des traités. En tant que colonisateur(-trice)s et militant-es pour les droits de la personne œuvrant à la santé et à la justice, nous avons le devoir d’honorer les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation dans notre travail. Nous devons prendre part à la réponse aux injustices continues que rencontrent les peuples autochtones et aux iniquités de santé qui en résultent et qui contribuent à l’impact disproportionné de l’épidémie du VIH dans ces communautés. Nous sommes activement engagé-es à poursuivre ces efforts en collaboration avec nos collègues autochtones et autres.


La puissance du nombre

Interventions et plaidoyer transformateurs

Bâtir le mouvement

Recherche et analyse

Chaque domaine de notre travail s’appuie sur nos recherches et analyses juridiques réputées. Qu’il s’agisse d’examiner les lois sur les drogues au Canada et à l’étranger dans la perspective des droits humains ou de produire des recherches à l’appui d’affaires susceptibles de faire jurisprudence, nous mettons à profit notre expertise juridique et les compétences de notre personnel. Mais nous ne travaillons pas en vase clos. Chaque étape du processus est éclairée par une minutieuse consultation auprès de personnes qui sont directement touchées par les lois et les politiques que nous tentons de modifier. Cette année, grâce à ces partenariats cruciaux, nous avons continué à amplifier les appels des communautés dont les droits humains sont menacés et à nous efforcer collectivement de faire respecter ces droits à tous les échelons de gouvernement. Ci-dessous, quelques exemples de nos points de mire de l’année et de rapports issus de ces efforts de collaboration.

Criminalisation du VIH


Cette année, deux recherches importantes ont porté sur la criminalisation du VIH et sur la façon dont notre système juridique actuel doit changer afin de protéger les droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH. S’appuyant sur les rapports précédents de 2012 et 2017, La criminalisation du VIH au Canada : Tendances clés et particularités (1989-2020) offre une analyse actualisée des tendances et conclusions des affaires pénales de non-divulgation du VIH au Canada de 1989 à 2020. L’analyse montre que le droit pénal continue d’être utilisé de manière disproportionnée contre les personnes noires et autochtones vivant avec le VIH, ces groupes étant confrontés à des taux de condamnation plus élevés, des taux d’acquittement plus faibles et une probabilité plus élevée de peines de prison que les personnes blanches. Le rapport souligne le besoin urgent de faire en sorte que le système juridique pénal soit mieux guidé par la science et les droits humains, dans sa réponse au VIH.

De pair avec cette recherche, nous avons publié un rapport sur l’utilisation des registres de délinquants sexuels au Canada et leur impact sur les personnes vivant avec le VIH. Rédigé en collaboration avec des chercheur(-euse)s de l’Université York et de l’Institute of Criminology and Criminal Justice ainsi que des collègues de la HIV & AIDS Legal Clinic Ontario, Les préjudices des registres de délinquants sexuels au Canada parmi les personnes vivant avec le VIH examine comment les registres de délinquants sexuels au Canada nuisent aux personnes vivant avec le VIH et pourquoi leur utilisation dans les cas de non-divulgation présumée du VIH doit cesser.

Ensemble, ces deux rapports présentent un argumentaire puissant expliquant des raisons pour lesquelles la criminalisation du VIH doit cesser immédiatement, au nom de la protection des droits humains.

Efforts à l’international


Notre recherche collaborative s’étend bien au-delà des frontières du Canada. Nous travaillons sur des affaires juridiques spécifiques en Russie et dans d’autres parties de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale, et collaborons également de manière intensive avec des organismes de terrain qui servent les personnes vivant avec le VIH, les personnes qui consomment des drogues, et d’autres personnes dont les droits humains sont bafoués. Souvent, ces organismes sont eux-mêmes visés par des gouvernements répressifs en raison du travail qu’ils accomplissent dans la région et sont financés par des sources « étrangères ». Cette année, nous avons utilisé notre expertise juridique pour produire The Life of a Foreign Agent : Risks and Perspectives on Operating in Russia as a Non-Profit Organization Designated as a Foreign Agent [La vie d’un agent étranger : Risques et perspectives de travailler en Russie en tant qu’organisme sans but lucratif désigné comme étant un agent étranger]. Ce rapport examine les lois russes qui créent des obstacles importants pour les organismes communautaires au service des personnes vivant avec le VIH et le grand risque auquel sont confrontés ceux qui continuent leur travail. Nous espérons qu’en partageant nos recherches et nos analyses, nous pourrons faire la lumière sur les injustices et aider nos collègues à plaider pour leur survie. Des vies en dépendent.

Autre travail concernant la Russie :

Travail du sexe


La collaboration est un ingrédient clé de notre analyse juridique et de notre plaidoyer pour mettre fin à la criminalisation du travail du sexe. Les travailleuse(-eur)s du sexe mènent la charge, et nous utilisons nos recherches et analyses juridiques pour plaider en faveur de la modification des lois qui les exposent à un risque accru de préjudices. Cette année, en collaboration avec la directrice générale de Butterfly (Asian and Migrant Sex Workers Support Network) et avec des universitaires de l’Université McMaster et de la Osgoode Hall Law School, nous avons produit Le piège carcéral : aperçu des lois qui affectent les travailleuse(-eur)s du sexe migrant-es (en anglais seulement). Ce rapport évalue l’impact combiné des lois pénales, des lois sur l’immigration, des lois sur la traite des personnes et des règlements municipaux visant le travail du sexe et la traite des personnes; il met au premier plan les voix de travailleuse(-eur)s du sexe migrant-es – et il démontre que les partenariats avec des personnes qui ont une expérience vécue nous apporte, en fait, une puissance collective.

Contentieux et autre plaidoyer

Cette année encore, nous avons mis un fort accent sur le recours à des tribunaux ou à des autorités internationales comme outil de changement. Que ce soit en intervenant dans des affaires qui touchent des personnes vivant avec le VIH, en défendant les droits humains auprès d’organes des Nations Unies ou en continuant à soutenir des actions en justice en faveur des droits des LGBTQ+ dans les Caraïbes, ces efforts collectifs ont le potentiel de conduire à des réformes durables en inscrivant ces droits dans la jurisprudence et en incitant d’autres tribunaux et législateur(-trice)s à faire de même.

Travail du sexe


Deux grandes actions en justice ont remis en cause, cette année, les lois régissant le travail du sexe au Canada : R. v. N.S. et la contestation constitutionnelle lancée par l’Alliance canadienne pour la réforme des lois sur le travail du sexe, dont le Réseau juridique est un membre actif.

Dans l’affaire N.S., une tierce personne a été accusée des infractions du Code criminel relatives aux avantages matériels, au proxénétisme et à la publicité du travail du sexe. Pour sa défense, N.S. a soutenu que ces dispositions étaient inconstitutionnelles – et elle a été acquittée lorsque la Cour supérieure de l’Ontario a convenu qu’elles portaient atteinte de façon injustifiée aux droits des travailleuse(-eur)s du sexe à la sécurité personnelle et à la liberté en vertu de l’article 7 de la Charte. Malheureusement, la Couronne a eu gain de cause en appel et la Cour d’appel de l’Ontario a malencontreusement confirmé ces lois.

Cette décision a des implications immédiates pour la contestation constitutionnelle, qui est en cours. Lancée au printemps 2021, cette contestation soutient que les infractions du Code criminel relatives au travail du sexe sont inconstitutionnelles, car elles violent les droits des travailleuse(-eur)s du sexe à la sécurité, à l’autonomie personnelle, à la vie, à la liberté, à la libre expression, à la libre association et à l’égalité, garantis par la Charte. Les témoins ont décrit en détail comment leur vie a été affectée par ces violations, et une audience est prévue en octobre 2022.

Une façon de s’assurer que de telles contestations ne seront plus jamais nécessaires est d’abroger Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation (LPCPVE), qui criminalise toutes les facettes du travail du sexe. Lorsque la LPCPVE a été introduite, elle devait être révisée cinq ans plus tard. En février dernier, sept ans après l’introduction de la loi, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a finalement entrepris cet examen. Le Réseau juridique a comparu devant le Comité pour décrire comment cette loi a alimenté la stigmatisation des travailleuse(-eur)s du sexe, les a privé-es de réseaux de soutien et a violé leurs droits humains. Nous espérons que les tribunaux et les législateur(-trice)s tiendront compte de l’ensemble des preuves et des témoignages de travailleuse(-eur)s du sexe, répareront les erreurs du passé et créeront un environnement de travail sûr pour tous et toutes.

Plaidoyer à l’international : régions de l’EEAC et des Caraïbes


Travailler pour changer les lois dans certains contextes est une proposition délicate. Même avec des partenaires et des défenseur(-euse)s sur le terrain, il peut arriver que des tribunaux et législateur(-trice)s au palier local – dans des régions comme l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, par exemple – soient très hostiles à l’égard des communautés avec lesquelles nous collaborons. C’est pourquoi nous avons recours à des organismes internationaux comme les Nations Unies, comme vecteurs de changement. En soumettant des propositions à des comités de l’ONU, nous pouvons mettre en relief les injustices des lois et politiques répressives, en particulier lorsqu’un pays s’est engagé à respecter les obligations internationales en matière de droits humains. Cette année, plusieurs de nos soumissions ont conduit à des recommandations fortes concernant les politiques sur les drogues et la criminalisation du VIH. Pour en savoir plus, lisez nos soumissions sur le Bélarus, l’Ouzbékistan et la Russie.

La liberté d’exprimer son amour et sa sexualité sans crainte de persécution est un droit humain fondamental. Et c’est pourtant un droit que de nombreux pays continuent de refuser aux personnes LGBTQ2S+ par le biais de lois criminalisant l’intimité consensuelle entre personnes de même sexe. Au cours de l’année écoulée, notre équipe a continué à soutenir les contestations constitutionnelles de ces lois en Jamaïque et en Dominique. Bien que l’affaire en Jamaïque ait progressé très lentement, nous avons assisté à des développements importants. En janvier, le tribunal a rejeté la demande de 2019 du gouvernement jamaïcain de scinder l’affaire en deux audiences (l’une pour les questions de fond et l’autre pour les questions de procédure), qui aurait entraîné un retard supplémentaire. Mais cette petite victoire a été de courte durée, car le gouvernement jamaïcain a immédiatement demandé et obtenu l’autorisation de faire appel. Donc, nous persistons. En outre, une autre année s’est écoulée sans aucun effort du gouvernement jamaïcain pour se conformer aux recommandations de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, qui lui recommandait dans son rapport de 2020, notamment d’abroger les dispositions criminalisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe consentantes. Dans l’intervalle, nous continuerons à soutenir nos partenaires des Caraïbes dans leur quête commune de droits égaux et protégés pour tou-te-s.

Criminalisation du VIH


Au cours de l’année écoulée, nous sommes intervenu-es de pair avec l’HALCO dans trois affaires de la Cour suprême susceptibles d’affecter les personnes vivant avec le VIH accusées de non-divulgation : R. c. Kirkpatrick, R. c. N. et R. c. Sharma. Elles portent sur les questions du condom et du consentement, de l’obligation automatique pour les personnes reconnues coupables de non-divulgation du VIH de s’inscrire au registre des délinquants sexuels et de l’inadmissibilité actuelle à des peines avec sursis pour les personnes déclarées coupables d’agression sexuelle grave. Toutes ces affaires mettent en évidence des domaines particuliers de préoccupation pour les poursuites liées au VIH : l’affaire Kirkpatrick pourrait conduire à une exigence de divulgation en toutes circonstances, ce qui entraînerait des ramifications importantes pour les personnes vivant avec le VIH, tandis que les affaires N. et Sharma mettent en évidence le fait que les personnes condamnées pour non-divulgation font face à de lourdes conséquences qui sont disproportionnées et plus susceptibles d’affecter les personnes noires, autochtones et LGBTQ2S+.

Ces affaires nous rappellent les nombreux effets préjudiciables croisés de l’approche actuelle du Canada en matière de criminalisation du VIH. Nous avons beau avoir la vision d’un monde où le VIH ne serait plus un crime, et continuer à faire pression pour une réforme du droit, il n’en demeure pas moins que ces interventions sont des outils importants pour le plaidoyer et le changement. Nous sommes reconnaissant-es à nos collègues pour leur collaboration continue à nos efforts de contentieux; avec eux et elles, nous sommes définitivement puissant-es ensemble.

Éducation du public

Quel que soit le domaine de notre travail dont nous parlons, l’éducation fait toujours partie de la conversation. En partageant nos connaissances et notre expertise avec un public plus large, nous pouvons contribuer à faire progresser les droits humains, à atténuer la stigmatisation et à faire modifier les lois et politiques qui discriminent ou criminalisent injustement les gens. Rassembler les gens pour qu’ils apprennent l’impact de la criminalisation est un moyen puissant de combattre l’injustice et de nous conduire tous et toutes vers une société plus juste et équitable.

Politiques sur les drogues


Bien que la pandémie de COVID-19 continue, à juste titre, de faire les gros titres, le Réseau juridique est très conscient d’une autre épidémie qui menace des vies – la crise des empoisonnements dus à des drogues, qui n’a fait qu’empirer avec les fermetures et l’incertitude de ces deux dernières années.

Cette crise est alimentée par la stigmatisation et l’ignorance – les gens ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas. Donc en éduquant le public sur les préjudices des politiques punitives en matière de drogues, nous pouvons contribuer à modifier cette tendance. L’une de nos principales initiatives éducatives de cette année a été notre 9e Symposium sur le VIH, le droit et les droits de la personne, qui avait pour thème « Toucher la cible : Vaincre la pandémie en réalisant les droits des personnes qui consomment des drogues ». Ce premier symposium entièrement virtuel a offert une tribune à divers-es intervenant-es pour partager leur expérience du monde réel et présenter des mises à jour sur l’état de la décriminalisation, des services de consommation supervisée et de l’approvisionnement sécuritaire au Canada. La formule virtuelle a permis d’élargir l’auditoire. Nous avons également pu partager les vidéos, en plus de notre rapport écrit, diffusant ainsi l’information encore plus loin.

Le Symposium a également été l’occasion de visionner en première mondiale le film Décriminaliser dès maintenant : l’histoire d’Akia, un magnifique court métrage mettant en scène un militant local et son expérience vécue de la réduction des méfaits – ainsi que de ses lacunes –, à Toronto. Akia lance un important plaidoyer en faveur de la décriminalisation des drogues, afin de supprimer la stigmatisation et de permettre aux personnes qui en consomment de jouir pleinement de leurs droits humains. Le film a été présenté dans plusieurs festivals internationaux depuis sa première.

Dans diverses régions du Canada, nous avons également présenté des exposés sur les politiques en matière de drogues à divers publics, et travaillé avec des journalistes pour donner un visage humain à la crise des empoisonnements par des drogues et aux lois inefficaces qui l’ont aggravée. Dans le cadre de notre travail avec des décideur(-euse)s du palier municipal, nous avons travaillé en étroite collaboration avec des collègues de Vancouver, notamment la Pivot Legal Society, la Coalition canadienne des politiques sur les drogues, le VANDU et d’autres, en Colombie-Britannique, à amplifier leur plaidoyer en faveur de la décriminalisation des drogues. À Toronto, nous avons collaboré avec des prestataires de services de première ligne, et avons présenté pour la première fois une députation conjointe avec les Centres de santé communautaire de Parkdale Queen West et de South Riverdale, au Conseil de santé de Toronto, concernant la demande d’exemption de l’article 56 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qu’il a soumise à Santé Canada. Compte tenu de l’ampleur du travail à accomplir pour changer les politiques qui ciblent injustement les personnes qui consomment des drogues, l’amplification du plaidoyer de chaque partie est certainement le moyen le plus rapide de se faire entendre.

Droits LGBTQ+


Bien qu’une grande partie de notre travail dans les Caraïbes mise sur des actions en contentieux, un élément essentiel d’éducation du public va de pair avec cette approche. Si les tribunaux décident finalement d’invalider les lois homophobes, nous voulons contribuer à faire en sorte que le public soit prêt à accepter ce changement. Pour ce faire, dans le sillage de notre deuxième conférence Intimate Conviction, tenue virtuellement en 2020, nous avons publié un deuxième volume, Intimate Conviction 2: Continuing the Decriminalization Dialogue, et organisé des événements pour son lancement en Jamaïque, à la Barbade et en Dominique. Nous sommes reconnaissant-es à nos partenaires de la région de soutenir ces efforts d’éducation et de nous aider à changer à la fois les cœurs et les esprits.

Criminalisation du VIH


Les médias ont un rôle puissant à jouer dans la lutte contre la criminalisation du VIH. Qu’il s’agisse des sujets couverts ou de termes utilisés pour désigner les personnes vivant avec le VIH, il y a toujours un lien entre les reportages des médias et l’opinion publique. Nous avons abordé cet enjeu au cours des années précédentes en créant un guide pour les journalistes sur la façon de rendre compte de manière responsable du VIH et de la non-divulgation; et cette année, nous avons voulu remettre le pouvoir entre les mains des personnes qui vivent l’histoire – les personnes vivant avec le VIH qui peuvent avoir été criminalisées et veulent contrôler leur propre récit. Nous avons réuni pour cela un groupe de personnes vivant avec le VIH et de personnes alliées, pour un atelier de formation médiatique et en plaidoyer. Les participant-es ont appris comment interagir avec les médias selon leurs propres termes, quelles plateformes sont à leur disposition pour témoigner de leur réalité, et comment s’assurer que la dimension humaine du VIH soit mise en avant.

À plus grande échelle, nous avons tenu notre 10e Symposium sur le VIH, le droit et les droits de la personne, en mars 2022. Cet événement, qui avait pour thème La criminalisation du VIH : combattre les injustices au Canada et dans le monde, a réuni des personnes ayant une expérience vécue de la criminalisation, des expert-es juridiques et des allié-es, pour partager leur expertise sur l’état actuel de la criminalisation du VIH, discuter des défis auxquels sont confrontés les efforts de réforme du droit, de même que de l’impact de la criminalisation dans la vie des personnes vivant avec le VIH. Avec une autre forte participation, et encore plus de personnes capables de visionner l’enregistrement ou de lire le rapport a par la suite, ce Symposium continue d’être un outil éducatif important pour contrer la stigmatisation qui contribue à la criminalisation du VIH.

Le Symposium a également permis de visionner en première notre court métrage Femmes et séropositives – Revisité qui fait le point avec deux des femmes qui figuraient dans notre film de 2012 Femmes et séropositives : Dénonçons l’injustice. Le nouveau film raconte ce qu’ont vécu Lynn et Jessica au cours des dix années écoulées depuis le premier film et montre comment la criminalisation continue d’affecter leurs vies aujourd’hui. En partageant leurs histoires, Lynn et Jessica ajoutent leurs voix aux demandes de changement qui se multiplient et nous procurent une puissance collective accrue.

Mobilisation communau­taire

Il faut plus d’une voix – et une bonne somme d’effort acharné – pour susciter des changements positifs et durables dans le monde. Une grande partie de notre travail consiste à établir un consensus et à créer un élan collectif vers une société plus juste, que ce soit au Canada ou à l’étranger. Cette année, notre travail a permis de rassembler et de mobiliser de nombreuses personnes et communautés différentes dans le monde en faveur des droits humains pour toutes et tous.

Criminalisation du VIH


Le Réseau juridique est un fier membre de la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH (CCRCV) et cette année, l’accent a été mis sur les consultations communautaires. Certes, nous sommes tou-te-s d’accord pour dire que les troubles de santé ne devraient pas être criminalisés, mais il est essentiel que les contours de la réforme soient éclairés par les communautés les plus directement touchées. À cette fin, la Coalition a lancé une série de consultations communautaires afin de recueillir des commentaires sur des propositions de réforme du Code criminel pour limiter la criminalisation du VIH, quatre ans après la publication de la Déclaration de consensus communautaire de la Coalition qui demandait au gouvernement fédéral d’effectuer ces réformes.

Bien que la formule en ligne de plusieurs des consultations et la complexité du sujet nous aient mis au défi d’assurer une participation significative, la Coalition a reçu des commentaires réfléchis et engagés de la part d’un large éventail de voix dans la communauté – des personnes vivant avec le VIH et affectées par celui-ci, des organismes communautaires, des défenseur(-euse)s, militant-es, avocat-es, chercheur(-euse)s et d’autres. Dans les mois qui ont suivi les consultations, la CCRCV a intégré les commentaires reçus dans ses discussions internes afin de peaufiner sa proposition de réforme du Code criminel. Le plaidoyer pour la réforme du droit est un travail complexe et de longue haleine, mais en nous rassemblant dans la poursuite d’un objectif commun, nous constatons un réel élan sur cette question.

Partenaires francophones en Afrique


Notre communauté est internationale et le nombre de ses membres continue de croître. Dans d’autres parties de ce rapport, nous vous avons parlé de notre travail en Europe de l’Est et dans les Caraïbes, mais cette année nous constatons également un essor considérable de notre travail en Afrique de l’Ouest, centrale et du Nord. De nombreux pays de la région sont dotés de lois spécifiques au VIH et, dans le cadre du réseau francophone de HIV JUSTICE WORLDWIDE (HJWW), nous soutenons nos partenaires pour faire en sorte que ces lois respectent les droits des personnes vivant avec le VIH, par le biais de notre programme de petites subventions et d’un espace de mise en réseau en ligne pour les militant-es.

Une grande partie de ce renforcement communautaire est rendue possible grâce à l’utilisation de l’« espace francophone » développé par HJWW. Il s’agit d’un réseau qui permet aux militant-es francophones de discuter de questions communes dans leur propre langue et d’entrer en contact avec d’autres militant-es travaillant sur les mêmes questions ailleurs dans le monde. Plus de 14 pays sont représentés dans cet espace où l’on partage des ressources, des expériences et des apprentissages, le tout en français, par courriel et par conférence téléphonique, et où l’on fournit un soutien technique et financier.

Les subventions au Burkina Faso et au Bénin ont soutenu la société civile et les populations clés dans le cadre d’initiatives de réforme législative dans leurs pays respectifs. Le réseau francophone soutient les collègues au Burkina Faso depuis plusieurs années. Les changements juridiques nécessitent du temps, mais grâce à de petites subventions les communautés du Burkina Faso peuvent demeurer engagées et mobilisées – et le projet de loi sur le VIH dans sa forme actuelle ne contient pas de dispositions criminalisant le VIH. Au Bénin, notre petite subvention a permis à des organismes locaux de répondre à un projet de loi sur le VIH soumis au gouvernement et qui comporte des problèmes; les organismes ont tenu des séances pour alerter et mobiliser la communauté. Le Réseau juridique, en collaboration avec l’ONUSIDA, a également rédigé un mémorandum sur les principales dispositions problématiques du projet de loi sur le VIH du Bénin et sur les amendements proposés, et le projet de loi a été considérablement amélioré. Dans les deux pays, les petites subventions ont contribué à améliorer les connaissances juridiques et à renforcer les capacités en matière de stratégies de réforme législative et de mobilisation communautaire. D’autres petites subventions ont soutenu des défenseur(-euse)s au Burundi, au Niger et en République démocratique du Congo. Grâce à ce réseau et à ces subventions, une communauté de militant-es s’unit pour défier les injustices et prouver le véritable pouvoir de la solidarité.

Étude de cas : Réussir la décriminali­sation

L’histoire de fond


La guerre malavisée contre les drogues est en cours depuis plus d’un siècle au Canada. Elle s’appuie sur des racines racistes, des campagnes néfastes de type « Dites simplement non », et de sévères châtiments du droit pénal à l’encontre des personnes qui consomment ou vendent des drogues, avec des conséquences disproportionnées pour les Noir-es, les Autochtones, les personnes racisées et les personnes vivant dans la pauvreté. Bien que les personnes qui consomment des drogues et leurs défenseur(-euse)s aient passé des décennies à réclamer un changement fondamental dans la manière dont les gouvernements abordent la consommation de drogues et traitent les personnes qui s’y adonnent, ces mêmes gouvernements ont répondu du bout des lèvres aux demandes de changement, sans prendre les mesures nécessaires.

La crise actuelle des empoisonnements dus à des drogues contaminées a déjà fait des dizaines de milliers de victimes au Canada et ne montre aucun signe de ralentissement. Le gouvernement fédéral a semblé disposé à envisager des projets de loi visant à faire en sorte que les personnes qui consomment des drogues soient détournées du système juridique pénal dans certaines circonstances, mais des signes inquiétants montrent que ces projets de loi sont loin d’être adéquats. Face à ces horribles pertes et traumatismes, les personnes qui consomment des drogues, soutenues par le Réseau juridique et ses collègues, savaient qu’il nous fallait définir la décriminalisation en des termes différents. Nous devions agir rapidement et nous concentrer sur les personnes qui seraient les plus touchées – celles qui consomment des drogues.

Fin 2020, un groupe de plus de 20 organismes s’est réuni pour discuter de ce qu’il fallait faire. Pouvions-nous créer un consensus suffisant sur cette question pour former un front uni? Qui se joindrait à nous? Avec la Coalition canadienne des politiques sur les drogues et l’Association canadienne des personnes qui consomment des drogues, le Réseau juridique VIH a codirigé ce groupe dans l’élaboration de ce qui allait devenir Réussir la décriminalisation : une voie vers des politiques sur les drogues basées sur les droits de la personne – une plateforme de la société civile pour la décriminalisation des drogues au Canada.

Le processus


L’obtention d’un consensus au sein d’un groupe d’organismes, aussi sympathiques et harmonieux soient-ils, nécessite toujours une consultation approfondie pour s’assurer d’entendre toutes les voix. Pendant une grande partie de l’année 2021, le groupe s’est réuni virtuellement pour discuter priorités et approches, rédiger le texte, suggérer des amendements et élaborer une stratégie pour le lancement. Avec des voix d’expériences vécues et vivantes, des intervenant-es de première ligne, des membres de familles endeuillées, des universitaires, des avocat-es et d’autres allié-es qui ont participé à la création de cette plateforme, le Réseau juridique a apporté son analyse juridique et politique pour créer le cadre des recommandations.

La plateforme


Le document Réussir la décriminalisation présente un aperçu de l’impact désastreux de la prohibition des drogues, depuis le nombre de vies perdues jusqu’aux graves violations des droits humains infligées par la criminalisation, en passant par l’arrestation, la poursuite et l’incarcération largement disproportionnées des Noir-es et des Autochtones pour des infractions liées aux drogues. La plateforme souligne qu’afin de protéger et de faire progresser la santé, les droits humains et la dignité des personnes qui consomment des drogues, les gouvernements doivent abolir les lois pénales et autres, les politiques et les pratiques qui contrôlent, stigmatisent, pathologisent et punissent les personnes qui consomment des drogues, puis redistribuer les ressources dans des programmes et des services, y compris ceux qui sont dirigés par la communauté, qui défendent et promeuvent la santé et les droits humains des personnes, et qui sont propices à la sécurité.

Le lancement


La plateforme finale – et maintenant approuvée par plus de 100 organismes – a été publiée le 9 décembre 2021, soit juste après le dépôt du Projet de loi C-5 au Parlement, qui proposait d’abroger les peines minimales obligatoires pour des infractions liées aux drogues et d’offrir des alternatives aux poursuites pour la possession simple de drogues. Le communiqué de notre plateforme soulignait que, même si ces propositions étaient un début, elles étaient loin d’être suffisantes et ne tenaient pas compte des besoins réels des personnes qui consomment des drogues. À l’aide de graphiques pour les médias sociaux avec des mots-clics dédiés (p. ex., #ReussirlaDecrimdesDrogues), d’une déclaration aux médias et d’un courriel transmis directement à tou-te-s les membres du Parlement, nous nous sommes assuré-es que la plateforme allait joindre son public cible et que le message serait entendu haut et fort : se contenter de rafistoler une politique antidrogue qui a échoué ne réparera pas les méfaits de la guerre aux drogues.

L’impact


La plateforme a suscité un énorme intérêt dans les médias sociaux, avec des dizaines de milliers de vues et de partages. L’attention des médias a été à la fois positive et généralisée, avec des articles parus dans le Toronto Star et même le New York Times. Cette attention s’est intensifiée lorsque le gouvernement fédéral a publié ses propres lettres de mandat sans mention de la crise des empoisonnements dus aux drogues contaminées (même dans celles adressées aux ministres de la Santé, de la Justice ou, inexplicablement, de la Santé mentale et des Dépendances). Cette omission flagrante et la position de notre plateforme ont été rapportées à nouveau par le Toronto Star. Réussir la décriminalisation a également été utilisé comme outil pour évaluer des demandes d’exemption en vertu de l’article 56 visant une décriminalisation au palier local, ainsi que des projets de loi fédéraux proposant des alternatives aux poursuites pour la possession simple de drogues. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour bâtir les appuis à la vision de la décriminalisation des drogues qui est si désespérément nécessaire, mais nous avons réussi à créer et à faire connaître une analyse solide de ce qui doit être fait. Grâce à une collaboration essentielle, nous avons montré ce que peut permettre notre puissance collective.

Aperçu des finances

Résumé des états financiers vérifiés

Exercice terminé le 31 mars 2022 2021
 
Revenus $ $
Subventions 1,931,964 1,328,681
Dons 217,025 161,289
Frais de consultation 106,435 176,269
Cotisations 810 4,320
Intérêt et autres 3,776 6,414
Total des revenus 2,260,010 1,676,973
 
Dépenses
Personnel et honoraires professionnels 1,311,696 1,353,417
Loyer et entretien 84,118 93,088
Activités d'intervention terrain 42,993 64,911
Matériel et dépenses de bureau 35,340 46,755
Litiges stratégiques 18,992 37,860
Communications et information 21,250 22,384
Déplacements 5,244 7,124
Installations et équipement 4,966 1,336
Autres 34,845 39,135
Amortissement - 1,552
Total des dépenses 1,559,444 1,667,562
 
Actif Net
Désigné 700,566 -
Non affecté 138,042 138,042
Total actif net 838,608 138,042

Utilisation de nos fonds

  • 83% Activités de bienfaisance
  • 12% Administration
  • 5% Collecte de fonds
Utilisation de nos fonds

Merci!

Remerciements

Année après année, nous comptons sur le soutien généreux de nos bénévoles, sympathisant-es et partenaires. Vos dons, qu’ils soient financiers, en temps ou en collaboration, nous permettent de poursuivre notre lutte contre les inégalités et les injustices auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et le sida et d’autres populations clés touchées de manière disproportionnée par le VIH et la criminalisation. Merci de tout cœur pour votre générosité. Ensemble, nous avons une réelle puissance collective.

Auteur-es de dons majeurs et bailleurs de fonds

Fondations et autres sources de soutien :

  • Agence de la santé publique du Canada
  • Arcus Foundation
  • Broadway Cares/Equity Fights AIDS, Inc.
  • City of Toronto, Investing in Neighbourhoods initiative
  • Elton John AIDS Foundation
  • Emplois d’été Canada
  • E. Rhodes and Leona B. Carpenter Foundation
  • Femmes et Égalité des genres Canada (FEGC)
  • Fondation du droit de l’Ontario
  • Levi Strauss Foundation
  • M·A·C Cosmetics
  • MakeWay – AIDS-Free World Canada
  • McLean Foundation
  • Ontario Trillium Foundation
  • Open Society Foundations
  • Robert Carr Fund
  • 100 Percent Life

Donateur(-trice)s au leadership :

  • Adrienne Mitchell
  • Allan Dorrington et Derek Hodel
  • Andree Bamforth
  • Andrew Beckerman
  • Begonia Fund
  • Casey et Bev McKibbon
  • Christopher Field
  • Eric Hortop
  • Gail Steckley
  • Howard et Patricia Elliott
  • Joanne Csete
  • Julie Shugarman
  • Karim G. R. Ladak
  • Kenneth Menzies
  • Larry Hughsam
  • Margaret Millson
  • Richard Elliott
  • Ron Rosenes
  • WB Family Foundation

Conseil d’administration

  • Alexandra de Kiewit
  • Barhet Woldemariam
  • Corey Ranger (jusqu’en décembre 2021)
  • Emily van der Meulen (trésorière)
  • Eric Mykhalovskiy
  • Julie Shugarman (secrétaire)
  • Leegay Jagoe (présidente)
  • Megan Longley
  • Natasha Potvin (jusqu’en juin 2021)
  • Rai Reece (vice-présidente)
  • Shakir Rahim
  • Y.Y. Brandon Chen

Personnel

  • Cécile Kazatchkine,
    analyste principale des politiques
  • Doriana Schiavi,
    gestionnaire des finances
  • India Annamanthadoo,
    analyste principale des politiques
  • Janet Butler-McPhee,
    codirectrice générale
  • Maurice Tomlinson,
    consultant en droits LGBTQ
  • Megan Long,
    spécialiste des communications
  • Mikhail Golichenko,
    analyste principal des politiques
  • Richard Elliott,
    consultant
  • Sandra Ka Hon Chu,
    codirectrice générale
  • Sean Monaghan,
    adjoint de soutien aux programmes
  • Terry Gould,
    gestionnaire du soutien aux programmes
  • Zohrain Gardner,
    coordonnatrice du développement et du marketing (jusqu’en mars 2022)